28 février 2007
Les Palestiniens de Naplouse sous pression, entre deux incursions de l'armée israélienne
LE MONDE | 28.02.07 | 14h26 • Mis à jour le 28.02.07 | 14h26
NAPLOUSE ENVOYÉ SPÉCIAL
Après deux jours de couvre-feu, les habitants de Naplouse avaient constaté, mardi matin 27 février, que, contre toute attente, les soldats israéliens avaient quitté cette cité du nord de la Cisjordanie. La vie avait donc repris ses droits. Le nettoyage de la casbah, au centre ville, avait commencé. Les bulldozers avaient enlevé les remblais de terre mis en place par Tsahal. Les boutiques avaient rouvert leurs portes et les commerçants s'affairaient à remettre en ordre les portes métalliques endommagées.
Même sans la présence des soldats, les habitants s'aventuraient avec précaution. L'opération "Hiver chaud" était censée durer plusieurs jours. Beaucoup pensaient que l'armée allait revenir. Certains en ont profité pour faire des provisions. Mercredi matin, avant l'aube, les soldats sont en effet revenus pour finir leur travail de "nettoyage".
Naplouse est considérée par les autorités israéliennes comme un bastion du "terrorisme palestinien". C'est "une bombe à retardement", "un noeud de la terreur", affirme le major Avital Leibovitch, porte-parole de l'armée. Il précise que sur 170 "terroristes potentiels", arrêtés en 2006, 119 venaient de Naplouse et qu'au cours des six derniers mois, neuf ceintures explosives sur onze ont été fabriquées dans cette ville. Pour mettre un terme à "cette activité terroriste croissante", l'armée a donc réinvesti la casbah afin de démanteler les "laboratoires" de fabrication de bombes et d'arrêter les individus considérés comme les plus dangereux.
Sept noms, pour la plupart des membres des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, groupe armé proche du Fatah, ont été diffusés sur As-Sanabel, une chaîne de télévision de Naplouse dont Tsahal avait pris le contrôle dans la nuit de dimanche à lundi. "Ils sont venus à 3 heures du matin et ont utilisé notre canal de diffusion pour communiquer avec la population, raconte Raida Breik, épouse du directeur de la chaîne. Puis, ils ont embarqué tout le matériel et ont arrêté mon mari, Naghib. C'est la deuxième fois que cela se produit. Ils maintiennent constamment la pression."
Mardi, des activistes des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa rencontrés dans la rue se déplaçaient avec précaution. L'un d'eux estimait que des tireurs d'élite israéliens étaient toujours dissimulés et ajoutait que des maisons avaient été réquisitionnées, avec leurs habitants, pour surveiller la zone. "Leur opération a été un échec, affirmait-il en montrant un bâtiment dont l'entrée avait été forcée et les pièces totalement vidées. Ils n'ont arrêté aucun des sept (hommes qu'ils recherchaient). Ils sont dans l'incapacité de contrôler un secteur pareil."
Selon les témoins, les maisons ont été fouillées et les familles rassemblées dans une seule pièce. Il y a eu des arrestations parmi les hommes âgés de 16 à 45 ans. Les suspects ont été emmenés dans l'école des filles. Les salles de classe ont servi de centre d'interrogatoire, et la cour de récréation a été utilisée comme parking pour les véhicules blindés. Deux femmes de ménage s'activant à remettre de l'ordre, montraient les dégâts causés : "C'est la cinquième fois que (les Israéliens) transforment l'école en centre de détention et d'interrogatoire. Heureusement, cette fois, ils ont fait moins de casse. Mais, après leur passage, il restait des monticules de détritus. Il a fallu faire venir un engin pour tout débarrasser."
Jusqu'à présent, "Hiver chaud" a été moins violente que d'autres incursions israéliennes. Des traces de combats subsistaient ça et là. Les vitres d'un bâtiment municipal dominant la Casbah avaient été brisées par les tirs. Des parpaings jonchaient le sol, réminiscences des tentatives de résistance face à l'infanterie israélienne.
Il y eu une quinzaine de blessés et une bavure : un homme de 51 ans, Adnan Al-Tibi, tué par un sniper israélien qui lui a logé une balle dans la gorge alors qu'il tentait de réparer son réservoir d'eau sur la terrasse. Son fils Ashraf, 20 ans, a eu le cou fracassé par une autre balle. "L'armée a prétendu qu'il s'agissait de personnes armées sur le toit. Tout cela est une excuse", s'indigne Amani, la soeur de la veuve. Mercredi, avec le retour de Tsahal, le couvre-feu a de nouveau été imposé. Pour combien de temps ?
Michel Bôle-Richard
Article paru dans l'édition du 01.03.07.
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